L’Art et l’Enfant : Petite enfance et développement artistique

Le petit enfant, de par sa nature, s’imprègne de tout  ce  qui  l’entoure.  Ses  perceptions  sont tentaculaires. Telle une pieuvre, il capte très loin les informations, les ambiances, les êtres, les plaisirs, les dangers. Pour se protéger il a besoin d’un cadre familial éducatif, comme la pieuvre qui va s’abriter dans les rochers, les algues, se confondant  avec  ceux-ci.  Le  petit  enfant  va  se  fondre dans son entourage et, par là même, se construire physiquement et psychiquement.

 

Ecole Perceval
Ecole Perceval

L'art, au sens large du terme, vit et agit dans l'enfant.

La  première  manifestation  artistique  toute inconsciente que va vivre l’enfant est la voix de ses parents in utero. Les parents sont souvent tout aussi inconscients d’être des artistes. Mais l’homme est bien l’auteur de sa propre voix, c’est son être  le  plus  intime  qui  se  révèle  à  travers  elle.

L’enfant va venir parmi ces voix, ces mots pour dire la joie, pour rassurer.

Ces  paroles  deviennent  mélopée,  poésies enfantines, comptines et berceuses. Elles constituent la première enveloppe musicale de l’enfant. Puis  la  musique  écoutée  ou  produite  autour  de l’enfant  à  naître  va  l’atteindre  profondément. Quelle maman n’a perçu son enfant réagir in utero à un concert ! Et l’on découvre bien plus tard l’affinité de l’enfant avec une musique particulière.

La musique s’est inscrite jusque dans ses membres.  Ce  qui  ne  veut  pas  forcément  dire  que l’enfant  deviendra  musicien,  mais  cet  art  aura contribué à sa construction. Lorsque l’enfant sera un peu plus grand, c’est dans un rythme qu’il va trouver « musique » sur deux tons (Pa-pa; La-la …) : l’enfant commence par chanter, gazouiller, avant de parler.

Une maman lisait quelques poèmes à sa fille de six ans « C’est beau, dit l’enfant, c’est comme ce qu’on dit le matin au jardin d’enfants ! »On  voit  comment  les  poésies  toutes  courtes  et simples, les comptines, éveillent l’enfant à la poésie.
La  musique,  le  chant,  la  parole,  mettent  en mouvement  le  petit  enfant  :  il  va  se  balancer, « danser ».
« L’art du mouvement » va imprégner l’enfant. La manière  dont  nous  nous  mouvons  agit  directement  sur  son  système  moteur.  Ainsi,  il  imite, reproduit la douceur ou la brutalité de nos gestes. L’art du spectacle contribue à l’élaboration et à l’enrichissement de l’imagination. Les marionnettes toutes simples, illustrant un conte, l’esthétique, le soin donné aux décors, aux matériaux, sont des nourritures pour les jeux enfantins. Qu’ils aiment nous convier à leurs « pestacles » ! Prévoyant billets, sièges, rideaux de scène, ils se construisent, élaborent leur personnalité au mode conditionnel : « Je serais un Prince « .

L’enfant peut être très tôt sensible à la peinture, aux oeuvres picturales. Si une  reproduction  (ou  un  original  …) orne  la  chambre  du  bébé,  on  peut s’étonner qu’il le regarde avec autant de joie et d’intérêt que son mobile ou sa peluche.  L’ambiance  du  tableau,  ses couleurs, vont pénétrer l’âme enfantine.
Une  oeuvre  de  la  Renaissance,  une peinture impressionniste ou surréaliste vont  « œuvrer »  différemment  sur  un petit enfant. Si celui-ci est amené à voir toutes sortes de tableaux, il manifestera  souvent  une  préférence  pour  une œuvre particulière. On peut déjà y voir une manifestation de l’être profond se reliant à l’art.
Plus tard, lorsque l’enfant peut s’exprimer lui-même au travers du dessin et de la peinture, nous allons  percevoir  l’affirmation  de  son  « moi »,  traversant l’outil du corps en élaboration, cette âme ouverte vers l’extérieur.
L’enfant sélectionne une ou plusieurs couleurs, les mélanges, forme ou effleure le support et trouve une fin ;  » C’est fini !  » dit-il.
Certains artistes essayent de retrouver cette  impulsion  enfantine  dans  laquelle l’être profond s’exprime de manière intuitive et inconsciente. Au  jardin  d’enfants,  on  peut  voir  un enfant s’arrêter et observer attentivement une oeuvre d’art, puis reprendre son jeu : une parenthèse sans commentaire !
Cela peut nous amener à réfléchir sur la qualité des livres d’images … L’architecture et la décoration intérieure comme lieu de vie de l’enfant vont influencer jusqu’à la confiance en soi de celui-ci. Une architecture « design » peut créer un espace propice  au  repos  de  l’adulte  mais  donner  à l’enfant  un  sentiment  d’insécurité.  Un grand espace blanc sans vie, avec de vastes  baies  vitrées  laisse  parfois  l’enfant comme sans protection. « L’enfant pieuvre » ne trouve pas le recoin sécurisant dont il peut prendre la couleur, et cela peut provoquer une réaction d’hyperactivité, agissant  jusqu’au  niveau  des  membres  (cris, courses effrénées).
À l’inverse, une maison, une chambre étroite, très colorée, encombrée, peut agir dans le sens d’un étouffement de l’espace intérieur en élaboration chez l’enfant.
Vivre  avec  une  sculpture  donne  une dimension tout autre au développement de  l’enfant,  qui  va  pouvoir  contourner, toucher, percevoir sous différents points de vue, la Beauté. Les sujets de ces oeuvres  ont  également  une  valeur  symbolique,  agissant  parfois  fortement  dans l’imaginaire de l’enfant.

Un enfant devant le moulage d’une statue  grecque  mutilée :   »  Elle  est  belle  la dame, mais pourquoi on t’a offert une statue cassée ? « .

Côtoyer  de  telles  oeuvres  va  enrichir l’enfant dans sa création de modelage en sable, en terre ; tous ces jeux qui contribuent à l’évolution de la « patouille », liés au développement du métabolisme et à l’élaboration  des  formes  harmonieuses  et organiques.

Regardons le contentement et l’apaisement de l’enfant modelant une boule de terre ou de sable humide. L’enfant  a  beaucoup  de  goût  pour  le mélange des matériaux, cailloux, feuilles, petits morceaux de bois …

Ecole Perceval
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Ces  jeux  sont  également  souvent  liés  à l’art de la table : on fait des gâteaux, des pâtés …
Mais c’est aussi l’occasion de voir la fantaisie  émerger  autour  des  tables.  Et  là aussi, il n’est pas indifférent de cultiver un « art  de  la  table »,  belle  vaisselle,  nappes, décorations florales… Un petit de quatre ans s’asseyant à la table de Noël pour le déjeuner  au  jardin  d’enfants : « Merci  de faire ça beau pour nous ! « 

Ecole Perceval
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Là, nous voyons que le sens du beau se trouve touché et cultivé chez l’enfant. Au travers de cette promenade artistique qui peut donner des indications sur un art de vivre, nous voyons combien le petit enfant est sollicité au travers de ses sens. Rudolf Steiner parle de douze sens. Les sens du toucher, de la vie, du mouvement et de l’équilibre, sont liés à la corporéité. Les sens de l’odorat, du goût, de la vue et de la chaleur sont liés à la relation de l’homme au monde. Les sens de l’ouïe, du langage, de la pensée  d’autrui  et  du  moi  d’autrui  sont  des sens  sociaux,  révélant  ce  qui  est  caché.

Ces quatre derniers sens se construisent en relation avec les sens liés à la corporéité.
L’enfant qui joue expérimente le sens du toucher sous toutes ses formes, développant  un  certain  « tact »  qui  se  métamorphose  en  le  sens  du  respect  du  moi d’autrui. Percevoir le Beau au travers de la Nature de l’Art, c’est donner du « sens à la vie ».

C’est  une  sécurité  de  base  que  l’enfant développe  et  qui  lui  donnera,  adulte,  un appui pour choisir et aller vers la liberté.

Article rédigé par Odile Monteaux, jardinière dans les écoles Steiner Waldorf.
Article publié initialement dans la revue 1.2.3 Soleil de l’APAPS

Mis en ligne le 22 Décembre 2016

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