L’écriture, le dessin, la peinture, une pratique journalière à l’école – 1ère partie

Un enfant dessine spontanément dès la petite enfance. Son monde intérieur et sa perception de lui-même, des autres et du monde qui l’entoure peut s’exprimer par ce moyen graphique avec des crayons et des couleurs. Les dessins d’enfants ont été très souvent regardés, analysés et mis en relief par des enseignants, des psychologues et plus largement des professionnels de la petite enfance qui y voient une image concrète du développement psychique et corporel de l’enfant.
Car le petit enfant dessine avec son intériorité, il ne voit pas les choses objectivement, il les vit plutôt de l’intérieur. A l’âge scolaire, une fois que l’enfant est prêt à entrer à l’école, cette disposition graphique peut devenir une faculté  et un outil d’apprentissage si elle est exercée et travaillée avec régularité jusqu’à l’adolescence où le dessin d’observation devient alors une nécessité. 

Ecole Perceval
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« On ne voit bien  quelque chose que si l’on dessine » Goethe

Et de fait, l’écriture pratiquée comme un dessin à la manière des enluminures, devient graphisme. L’exercice de l’écriture au crayon, à la plume, au calame, permet d’épanouir cette faculté manuelle et de la cultiver.
Le dessin développe l’attention, le regard extérieur et intérieur. Il organise le monde des représentations en douceur. Dessiner une fleur, un animal, un arbre… permet à l’enfant de se mettre en relation avec eux. Le geste d’un pissenlit n’est pas le même que celui d’une violette, d’une églantine, d’un tournesol, d’un chêne ou d’un bouleau. Et dessiner un écureuil, une souris, un lion, un moineau ou un aigle demande une connaissance profonde de l’animal. Les peintres-calligraphes chinois et japonais parlent eux aussi de la capillarité de ces graphismes et de leur parenté très proche.

Dans les écoles qui pratiquent la pédagogie Steiner-Waldorf, l’apprentissage de l’écriture commence par des exercices graphiques appelés « dessin de formes ». Ces formes courbes, droites, enroulées, déployées, retournées en miroir et métamorphosées se déploient sur de grandes feuilles et s’exercent à main levée pour affiner et éprouver l’habileté manuelle qui conduit à l’écriture. « L’écriture et le dessin, au fond c’est la même chose« , écrit le peintre et musicien Paul Klee.
L’apprentissage des lettres de l’alphabet qui « se cachent » à l’intérieur d’un dessin devient un chemin ludique empli de mystère. Il suffit de les « désensorceler » comme le S du serpent qui siffle ou le M des vagues de la mer. « Lorsque le professeur essaie de développer un sentiment intérieur de la forme par le dessin, il ressent qu’il est une aide pour éveiller l’esprit de l’enfant« . Rudolf Steiner

Le « dessin de forme » pratiqué de façon régulière avec les enfants développe une dextérité  et une aisance étonnante. Il conduit directement à la maîtrise des entrelacs et des frises que l’on retrouve sur les manuscrits celtes, autour des tympans des églises romanes et dans les mosquées.
Le dessin proprement dit qui accompagne les apprentissages différents est souvent fait au tableau devant les enfants pour qu’ils vivent de l’intérieur le sentiment de la forme. Car en regardant le professeur dessiner, ils peuvent suivre chaque trait et accompagner les choses par la pensée. Peu importe si le dessin n’est pas parfait ; ce qui compte, c’est la recherche et la qualité d’attention des élèves. Car « penser c’est dessiner » dit Josef Beuys. Ce sont des moments très importants qui permettent à l’enfant et à l’enseignant de vivre un moment de découverte commun. La couleur vient ensuite collaborer et participer à la mise en image.

Ecole Perceval
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C’est avec le médium de l’eau que commence vraiment le travail avec la couleur car, dans l’eau, le pigment coloré se dilue ; la lumière l’attrape comme par surprise. Un  petit enfant est très attiré par le jaune d’or des fleurs de pissenlit au printemps. Et les couleurs les plus lumineuses sont celles traversées par la lumière et en particulier celles des vitraux des cathédrales. L’aquarelle pratiquée avec différentes techniques permet de révéler la beauté, la luminosité et la transparence de la couleur.

« L’énergie qui émane de l’acte de peindre est un véritable souffle qui donne la force de l’âme à celui qui regarde« . Bang Hai J

De grands artistes paysagistes comme le peintre anglais William Turner au XIXe siècle,  ont utilisé ce medium pour des esquisses de voyage sur des carnets, ce qui lui permettait de saisir très rapidement une lumière ou une lueur, un reflet, un rayon, une ombre, un arc-en-ciel…
Différentes techniques d’aquarelle sur papier mouillé, humide, sec (en glacis), donnent à l’enfant et à l’adolescent de grandes possibilités d’expression. Elles sont pratiquées de façon régulière au cours de la scolarité. Grâce à l’eau présente sur la feuille de papier blanc, la lumière est à son maximum. Il va s’agir alors de poser une goutte de couleur sur la feuille avec le pinceau, ce qui revient à obscurcir la lumière. Mais c’est à ce prix que la réalité visible par l’œil peut émerger. Et c’est en cela que les premières expériences avec les enfants sont très importantes.
La tâche de couleur jaune, rouge ou bleue sur la feuille peut se répandre, s’étendre ou rester dans un coin de la feuille. A l’aide du pinceau, elle peut être mélangée à une autre pour devenir plus douce ou bien se métamorphoser complètement et changer totalement d’apparence. L’enfant va à la découverte du petit bleu timide ou enveloppant comme le bleu du ciel et du jaune lumineux, espiègle ou bien chaud. La rencontre du bleu et du jaune fait naître le vert sombre ou printanier, calme et paisible. Il existe un grand nombre de verts différents que les adolescents plus tard auront tout le loisir de chercher sur leur palette pour composer des paysages.  

Beaucoup de jeunes enfants hésitent à mélanger ces deux couleurs par crainte de les salir, de même pour le bleu et le rouge et le jaune et le rouge pour faire apparaître le sage violet et l’orange gourmand. Ce sont cependant des expériences très vivantes qui donnent une palette de couleurs très variées pour la vie intérieure de l’enfant.

L’écriture, le dessin, la peinture, une pratique journalière à l’école – 1ère partie

« La peinture est un  langage musical » Wassily Kandinsky

Et alors, les couleurs chantent, elles résonnent, elles sonnent entre elles comme des instruments de musique, comme le jaune aigu du violon et le violet profond du violoncelle. Elles se répondent dans une symphonie colorée qui est chaque fois nouvelle et à recréer sur la feuille. Libre et dégagé de la représentation figurative, l’enfant peut jouer avec les couleurs comme avec des sonorités claires, sourdes, intenses, explosives ou feutrées, ce qui  lui permettra plus tard de créer des personnages et des visages expressifs ou des paysages subtils.

Il pourra aussi recréer toute la gamme des gris jusqu’au noir ainsi que celle des bruns, des verts et des violets.

Beaucoup de peintres et de musiciens comme Paul Klee, violoniste, ont hésité avant de se décider entre les deux carrières. Une fois sa décision prise à l’âge de trente-cinq ans lors d’un voyage en Tunisie, il écrivit dans son journal, « La couleur me possède. […] Je suis peintre« , et il se consacra vraiment à la peinture. Mais, tout au long de sa carrière, il fit tous les matins une heure de violon pour se préparer à peindre.

Quand tous les arts se rencontrent..., ils s’enrichissent et se répondent

La rencontre et la résonnance des différents arts entre eux enrichit et nourrit la vie intérieure de l’enfant qui grandit. Et les apprentissages techniques au cours de la scolarité lui permettront de figurer la richesse du monde animal, végétal et minéral.
Le modelage avec la cire et la terre glaise  sont aussi des moyens de rentrer dans la forme de manière plus concrète. L’animal se laisse approcher de manière plus plastique avec ce matériau si souple et malléable qu’est l’argile.

Tout l’art de l’enseignant consiste à dialoguer avec l’enfant dans le but de chercher et d’inventer toutes les manières possibles de rentrer en contact avec le monde qui l’entoure.

Article rédigé par Céline Gaillard, enseignante dans les écoles Steiner Waldorfet à l’institut de formation.
Article publié initialement dans la revue 1.2.3 Soleil de l’APAPS

Mis en ligne le 27 Décembre 2016

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